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02 mars 2013

L'édito de Claude Cabanes (Humanité) : Mon argent !

Madame Christine Lagarde, ancienne ministre de l’Économie et des Finances devenue directrice générale du Fonds monétaire international, avait lancé un jour avec assurance : « Est-ce que j’ai une gueule à être amie avec Bernard Tapie ? » Mais oui, Madame, mais oui, vous avez…

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L'actuelle directrice du FMI Christine Lagarde et l'homme d'affaires Bernard Tapie. Photo : AFP

Voyez-vous, les amis de Bernard Tapie ne se recrutent pas dans une seule sorte de catégorie de « gueule ». La gamme est très large : du parvenu tout frais en passant par les grands-bourgeois à chaussures italiennes sur mesure ou les présidents de la République de grande ou de petite taille, je veux parler d’étalonnage culturel bien sûr, on est gâtés. Et précisément, certains de ses amis sont aujourd’hui l’objet de la curiosité insistante de magistrats qui cherchent à comprendre pourquoi l’État lui a réglé, rubis sur l’ongle plus, de 200 millions d’euros en juillet 2008. 200 millions. En réalité, il s’agirait de 400 millions dont ont été déduites quelques créances bancaires et fiscales. Nos millions. Notre argent ! Mon argent ! Je veux qu’il me le rende, s’il me l’a volé.

L’affaire est très compliquée. En réalité, elle est très simple : en conflit avec le Crédit lyonnais, à propos de la cession de l’entreprise Adidas, l’ancien ministre et ancien « taulard » a-t-il bénéficié d’un coup de pouce de la plus haute autorité de l’État, autrement dit Nicolas Sarkozy, avec la collaboration active de Madame Lagarde, pour ramasser le jackpot ? Le problème, c’est que, la banque concernée étant à l’époque publique, le jackpot l’était aussi. Décidément, ces temps-ci, cela sent le cloaque…

Un éminent professeur de droit expliquait ainsi hier à la radio que la procédure classique de résolution de ce type de conflit, généralement favorable à l’État, avait été contournée pour aboutir à une décision défavorable à l’État. On connaît le proverbe chinois : le poisson pourrit par la tête… Et ainsi les juges perquisitionnent chez M. Guéant, ancien secrétaire général de l’Élysée, futur ministre de l’Intérieur, personnage clé du système ; ils perquisitionnent chez un ancien patron de France Télécom, investi de la plus haute responsabilité au cabinet de Madame Lagarde, et intime de l’ex- chef de l’État… Ils perquisitionnent chez un ancien président du Conseil constitutionnel ; d’autres encore… Il faut avoir les reins solides pour investir les bureaux et les tiroirs de personnages de cette envergure. 
Ils cherchent à comprendre pourquoi un comité d’arbitres a interrompu le cours de la justice pour lâcher les 400 millions.

Ces magistrats, désignés le plus légalement du monde, ont un regard d’aigle : ils ont ainsi découvert 18 rendez-vous Sarkozy-Tapie entre janvier 2009 et novembre 2010. Certes, les deux hommes fréquentent les tribunes des stades où l’on joue au football, mais enfin la passion pour ce qui se passe dans « la surface de réparation » ne suffit pas à expliquer cette assiduité. Et le juriste, qui enseigne le droit des affaires, à l’université, 
de poser hier la question : à l’Élysée, voulait-on rembourser une dette, de nature financière ou peut-être de nature morale ? On sait que Bernard Tapie roulait pour Nicolas Sarkozy.

Depuis, il a acheté une gerbe de titres de journaux dans le Sud-Est. C’est comme le « retour » de Berlusconi en Italie : on a le sentiment de revivre des pages que l’on croyait à jamais mortes du passé. Décidément, ce qui ne meurt pas, c’est la puissance de destruction et la décomposition de l’argent quand 
il s’accumule à un pôle de la société. L’austérité ? 
De quoi parlez-vous ?

Claude Cabanes

 

16:04 Écrit par poutargue dans National | Commentaires (0) | Lien permanent |  Facebook |

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